Introduction
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), en 2017, près de la moitié de la population mondiale est exposée au risque du paludisme. Ce fléau constitue un frein au développement des communautés et des pays les plus touchés par la maladie. Après des progrès constants sur la période 2000-2015, les données de la période 2015-2017 mettent en évidence une stagnation sur cette période, voire une régression par endroit (1) ; la plupart des cas (92 %) ont été enregistrés dans la région Afrique de l’OMS. Les 10 pays où le paludisme sévit le plus en Afrique ont rapporté une hausse du nombre de cas en 2017 par rapport à 2016. Au niveau mondial, le nombre de cas pour 1 000 habitants exposés au risque de paludisme a stagné à 59 ces 3 dernières années. Comme dans la plupart des pays de l’Afrique subsaharienne, le paludisme représente la première cause de mortalité et de morbidité au Benin. En 2017, selon l’annuaire des statistiques sanitaires du Ministère de la santé du Bénin, le paludisme constitue la première cause de consultation (44 %) et d’hospitalisation (31 %). Selon les données de l’Enquête Démographique de Santé 2017-2018, la prévalence de l’infection par le parasite du paludisme chez les enfants de 6-59 mois est de 39 % (microscopie positive à la goutte épaisse).
Parmi les causes pouvant expliquer les derniers résultats préoccupants au niveau mondial évoqués plus haut, les infections asymptomatiques (présence du parasite du paludisme dans l’organisme en l’absence de symptômes) prennent depuis récemment une importance nouvelle. On les suspecte aujourd’hui de jouer un rôle capital dans la perpétuation de la transmission de la maladie (2). En effet, de nombreuses études montrent qu’elles représentent une prévalence élevée dans de nombreuses régions concernées par la maladie, quel que soit le niveau de transmission, et en particulier en Afrique (3). De ce fait, en zone où l’élimination est atteinte, elles constituent une menace de résurgence ; en zone de pré-élimination, elles sont le dernier rempart (invisible) du parasite ; en zone de forte transmission, elles sont probablement l’un des principaux moteurs de l’épidémiologie de la maladie. Néanmoins, elles ont été peu étudiées, et il existe très peu d’études longitudinales visant à étudier leur dynamique et leurs déterminants. Leur épidémiologie reste donc à ce jour mal connue (2), et leur compréhension est probablement l’un des éléments clés du succès pour tendre vers l’objectif de l’élimination du paludisme.
Précisément, une meilleure compréhension des infections palustres asymptomatiques et la quantification de la contribution de ce réservoir infectieux à la transmission au vecteur est aujourd’hui indispensable (5) d’un point de vue santé publique. Il est connu que la prévalence à un instant donné des infections asymptomatiques est généralement importante en zone de forte transmission notamment en Afrique (4). La persistance au long cours d’infections asymptomatique dans l’organisme des individus infectés est, quant à elle, beaucoup plus mal cernée. En effet, si de rares publications semblent montrer la persistance de ces infections tout au long de la saison sèche dans un profil épidémiologique sahélien (6), aucune étude publiée à ce jour ne concerne un profil épidémiologique de paludisme pérenne comme au Bénin (et pays avoisinants). Or la contribution à la transmission et à la diffusion de la maladie dans les populations exposées est bien sûr liée à la persistance des infections chez les individus, et il est donc urgent de se pencher sur cette question. Le but de ce projet de recherche est précisément de décrire la dynamique des infections asymptomatiques au niveau populationnel, sur différentes tranches d’âge et sur une période d’observation de 2 mois, afin de confirmer l’existence d’un réservoir infectieux au long cours (supérieur à 1-2 mois). Les résultats obtenus pourront permettre de confirmer l’existence d’un réservoir asymptomatique au long cours dans le contexte épidémique du sud du Bénin et d’en faire une description.
Objectifs
Objectif principal
Estimer la proportion de porteurs d’infections asymptomatiques au long cours (excédant 1-2 mois) au sein de 3 tranches d’âge au Sud Bénin.
Objectifs Secondaires
- Décrire les formes asymptomatiques de paludisme par catégorie d’âge
- Identifier les facteurs extrinsèques (traitement préventif, utilisation de MILD) en lien avec un portage asymptomatique du paludisme suivant la catégorie d’âge
- Estimer le délai de l’évolution d’une forme asymptomatique du paludisme vers une forme symptomatique.
Méthode
Zone et Population d’étude
Cette étude est réalisée dans la zone sanitaire d'Allada-Zê-Toffo, en communauté. Il s’agit d’une zone située dans le département de l’Atlantique à 70 km de Cotonou. Elle couvre une superficie de 1637 km² (Zè :653 Km², Allada :381 Km² et Toffo :492 km²). Elle comporte 24 centres de santé d’arrondissements et 03 Centres de Santé de Communes. Elle dispose depuis le 24 août 2018 d’un Hôpital de référence. Cet hôpital dispose d’un plateau technique de qualité facilitant la prise en charge des urgences. Le paludisme y représente environ 85% des affections enregistrées sur un nombre total de 125 720 cas enregistrées (Annuaire statistique de 2017).
L’étude est réalisée dans un village de la commune de Zê, dont la population est environ égale à 1000 habitants. Les critères de choix des villages sont l’accessibilité, la disponibilité d’une formation sanitaire aux normes avec présence de personnel qualifié.
L’estimation de la population s'est faite sur la base des données du dernier recensement général de la population. Un ménage est défini comme l’ensemble des personnes habitant dans un même foyer, partageant un même repas les 6 derniers mois.
Site de l’étude
Cette pré-étude est conduite par le CERPAGE en collaboration avec l’Institut de Recherche pour le Développement (lRD). Le CERPAGE est situé dans la commune de Abomey-Calavi, dans le département de l’Atlantique.
Design de l’étude
Il s’agit d’une étude prospective qui est conduite au sein de la communauté par des relais communautaires dont les actions sont supervisées par des infirmiers sous la responsabilité d’un médecin épidémiologiste. Le médecin épidémiologiste, coordonnateur de l’étude a assuré la formation des agents sur le terrain, la mise en œuvre de l’étude et le suivi des participants de l’étude suivant le protocole de l’étude et dans le respect des normes éthiques. Le recrutement des participants, leur suivi, et les visites à domicile se sont faits sous la supervision des infirmiers et du médecin.